jeudi 24 février 2011

RECIT D'UNE COURSE INABOUTIE

Bonjour à tous,

Nous voilà de retour auprès de nos proches, quel plaisir de les retrouver!
Merci, merci, merci à tous pour votre soutien. Nous avons été coupés du monde pendant 5 jours avec seul lien, des communications très brèves avec Michel Casals via Carla, que nous envoyions avec un téléphone libyen, les autres n 'étant plus utilisables. Ils relayaient le peu de nouvelles que nous pouvions donner et nous faisaient parvenir des informations précieuses sur l'évolution des événements, ce qui nous aidait à prendre certaines décisions.
Je voulais préciser qu'à aucun moment nous n'avons été en danger direct. En revanche, nous étions tous conscients que la situation pouvait dégénérer d'un moment à l'autre. Tout aurait pu basculer sur un barrage ou même à l'aéroport.
Deux années de suite c'est dur, très dur pour moi et pour les coureurs qui m'ont fait confiance.
La décision a été difficile à prendre mais sans regret dès les heures qui ont suivie.

Les 6 heures où tout a basculé.

Je vais essayer d'éclaircir la situation qui m' a contraint à prendre cette décision aussi rapidement.
  • Rentré le 14 Février en fin de journée en LIBYE, la situation semblait tout à fait normale dans le pays. La dernière information était une manifestation PRO KADAFI le 17 février pour soutenir le régime.
  • Le 15 Février début des manifestations à BENGAZI ville en rébellion toute l'année, ville qui n'a jamais vraiment reconnu KADAFI comme son chef. Donc rien d'anormal quand on connait un peu la LIBYE.
  • Le 17 Février nous entrons dans l'AKAKUS nord pour mettre en place les postes de contrôle et les Balises 1 et 2 . Réseau téléphonique inexistant, nous basculons nos cartes sim sur nos 3 THURAYA ( téléphone satellitaire ) nous permettant de communiquer avec la terre entière.
  • Le 18 Février: depuis la veille aucune liaison n'est possible avec l'extérieur. Grosse inquiétude de notre part. A 12 heures nous sortons de l'AKAKUS et reprenons nos téléphones classiques et rentrons en communication avec Michel et Carla qui nous font part de l'inquiétude d'une infime partie des coureurs ainsi que de quelques personnes de l'organisation.
  • 13 heures, je m'empresse de rassurer tout le monde: le sud est calme, même très calme, la même ambiance que nous connaissions les années précédentes.
  • 14 heures: nous arrivons au Campement des dunes. Réunion avec MOHAMED, le propriétaire du campement et la sécurité sur place. Aucune inquiétude à avoir, le dispositif est renforcé pour rassurer l'organisation.
  • 14 heures 30 : le Campement s'installe, tout le monde oeuvre à sa tache. Appel de Michel CASALS. La situation s'aggrave à BENGAZI : une trentaine de morts.
  • 15 heures 45: contact téléphonique : la situation dégénère dans l'est du pays, deux villes supplémentaires manifestent violemment.
  • 16 heures 15: L'ambassade de France via Michel nous demande de revoir notre position sur l'organisation de la course. Réunion dans la foulée. La situation est tendue mais nous voulons organiser la course.
  • 17 heures: Contact avec le quai d'Orsay qui manifeste une grande inquiétude, la liaison satellitaire est définitivement coupée et internet vient de suivre.
  • 18 heures: Contact avec Michel, je vous fais grâce des 3 coups de fil précédents. Le nombre de morts est passé officieusement à 50 morts.
  • 18 heures 30: Une partie du l'organisation se réunit, nous protégeons l'autre partie qui dans la joie et la bonne humeur prépare les sac des coureurs.
  • Question MORALE posée à chacun: peut- on organiser une course à pied synonyme de fête dans le sud d'un pays alors que dans le nord les gens se font massacrer?
  • 19 heures: Appel de Michel, «  je pense que tu dois prendre une décision J-MARC , c'est le moment. »
  • 19 heures 30: dernière réunion avec la sécurité « La situation empire. Si nous avons l'ordre de rejoindre le NORD du pays, nous abandonnerons les coureurs » nous dit le chef de la police.
  • 20 heures 30: La décision d'annuler la course, prise au plus profond de moi -même 2 heures avant ,se confirme. Moralement ce n'est plus possible, un cas de conscience se pose. On ne peut pas courir lorsque des gens se font massacrer dans ce même pays.
  • Au niveau sécurité tous les paramètres d'une bonne organisation ne sont plus réunis: Plus de liaison satéllitaire, plus de liaison internet, plus de police pour encadrer la course.
  • 20 heures 31: la course est annulée, la déception est immense.



La chronologie des faits est exacte, les horaires sont à titre indicatifs, mais je voulais vous expliquer la rapidité de la décision. Certains ne comprenaient pas à l'aéroport de Paris pour quelle raison la décision n'avait pas été prise avant. Elle n'a pas été prise avant car tout allait bien AVANT .

Nous avons fuit la LIBYE, les coureurs étaient chez eux déçus, mais chez eux en sécurité. Une dernière responsabilité m'incombait: les 12 personnes m'accompagnant dans cette aventure devaient rentrer chez elles en bonne santé.
Sans tomber dans le sensationnel ou la sensiblerie, je voudrais leur rendre hommage car à aucun moment l'équipe ne s'est affolée, au contraire, elle m'a fait confiance jusqu'au bout. Merci aussi à Gérard toujours prés de moi dans toute les décisions.

Je voudrais aussi remercier, CARLA, MICHEL, PAOLO, LAURENT, CATHERINE, et tous ceux qui ont maintenu une communication de qualité. Ils ont su rassurer les coureurs et surtout nos familles inquiètes, plus que nous, en voyant les images à la télévision.

Aujourd'hui, il est trop tôt pour envisager l'avenir du LIBYAN CHALLENGE. Survivra t-il à ce second coup dur ? Peut être ou peut être pas.
Dans l'action jusqu'à présent, je n'ai pas pu prendre du recul face à la situation. Un temps de réflexion s'impose. C'est pourquoi, je vous demande de m'accorder une dizaine de jours avant de répondre à vos questions de façon précise.
Ce message est à destination de tous mais je prendrai contact avec chaque coureur dès que possible.

Merci encore à vous tous pour votre soutien inconditionnel et vos messages de sympathie.
Merci aux coureurs avec qui je partage la déception, pour la seconde fois pour certains.



À très bientôt
J-Marc

1 commentaire:

  1. bonjour jean marc,
    tout d'abord je suis content que vous soyez rentrés tous sains et saufs.
    organisateur de courses à l'étranger, j'ai connu des manifestations en Bolivie avec des barrages par les paysans, des mals aigus des montagnes, une lourde chute sur une tyroliènne, de grosses intempéries nous obligeant de modifier les parcours au derniers moments au Costa rica, mais jamais je n'ai du faire face à un soulèvement d'un peuple qui tente de retourner le pouvoir en place.
    Je te félicite toi et ton équipe pour ton courage et ta sérénité devant les évènements, pour avoir pris une décision rapide qui s'est avérée salvatrice pour l'orga et les coureurs.
    Ce genre de décision est très difficile à prendre sur le moment mais tout le monde aujourd'hui en ressort grandi. La sagesse l'a emporté et c'est tout à ton honneur.
    Bravo, maintenant ta prochaine décision sera encore plus difficile car tu vas avoir tout le temps de la prendre.
    tu feras je suis sur le bon choix
    A bientôt
    philippe

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